Startup : l’enfant qui devait grandir trop vite

Bébé

A l’heure où les startups attirent de plus en plus d’entrepreneurs aux idées innovantes, la situation dans l’Hexagone ne semble toujours pas optimale. Aides à la création d’entreprise, statut J.E.I., incubateurs et autres structures ne changent pas la donne : on a beau nous expliquer qu’il n’a jamais été aussi simple de créer son entreprise, le fait est que rien n’est fait pour permettre aux jeunes pousses de grandir à leur rythme. 

La startup : un bébé qui doit se construire

Une startup, c’est un bébé. Un bébé a des besoins vitaux basiques : dormir, se nourrir et apprendre de son environnement (on vous passe le reste). Or, on n’exige pas d’un bébé qu’il sache parler, marcher et calculer au bout d’un an. S’il se tient debout, c’est déjà bien. Pendant cette période, on continue à le nourrir et à lui laisser le temps de grandir, d’apprendre et se construire pour devenir un adulte fort et en pleine santé. Pour une startup, c’est pareil : il lui faut le temps de comprendre son environnement, de s’y adapter, d’en apprendre les codes et d’évoluer avec précaution. Petit à petit, elle va prendre de l’assurance, s’intégrer dans un écosystème où elle va pouvoir trouver sa place et apporter sa pierre à la communauté. Les interactions vont se multiplier et à terme, elle pourra à son tour générer de la valeur. Idéalement, il faudrait repenser l’écosystème startup. Ainsi, réduire les frais et cotisations pour que la startup prenne de l’assurance, construise son squelette petit à petit, le renforce, pour un jour arriver se lever. De même, imaginer un statut particulier pour les entrepreneurs, pour lui permettre de ne pas gaspiller son énergie ailleurs et de tout mettre en oeuvre pour apprendre et interagir avec son environnement. Enfin, des aides à l’embauche plus concrètes pour développer le système musculaire de la startup tout en générant de l’emploi.

Le paradoxe de la startup

Faisons le portait de cet enfant porté sur l’innovation. Une startup, c’est un fondateur (ou deux, ou trois, ou…), des besoins identifiés (développement, matériel, locaux, prospection…) et des ressources limitées (temps, énergie, investissement personnel, aides…). Pas beaucoup plus, pas beaucoup moins. Dans le cas idéal, les fondateurs ont un petit pécule qui leur permettra de voir venir tout en dilapidant leurs économies, dans le pire des cas, ils devront trouver des sources de revenus complémentaires afin d’assurer le minimum. Il n’est pas question ici de rentabilité, mais bien de minimum vital. Pour se développer, la startup doit commencer par assurer un revenu minimal pour ses fondateurs. D’où un paradoxe évident : comment s’investir à 100% si on ne peut assurer le quotidien ? Si les jeunes startuppers peuvent démarrer leur projet du cocon familial, la problématique est différente pour des startuppers à la tête d’une famille. Et franchir le pas est souvent un vrai cas de conscience. Le simple fait de devoir faire face aux différentes contraintes administratives, de gérer une comptabilité par toujours évidente et de trouver les bons partenaires est un challenge en soi. C’est un peu comme demander à un bébé d’ajouter le lait et les couches à la liste de courses, de penser à l’heure du bain et de préparer son biberon tout en ne jouant qu’avec des jeux éducatifs en oubliant le nounours en peluche. On imagine difficilement que ce bébé survive plus de quelques jours (voire quelques heures) !

Un nouveau-né qu’on voudrait autonome

La réalité actuelle est violente : on exige des startups qu’elles grandissent vite, beaucoup trop vite, et deviennent rentables rapidement. Quelles que soient les aides, quels que soient les montages, une startup va devoir être en mesure, après un an tout au plus, de s’acquitter de charges qui viennent plomber son processus d’évolution et ses investissements dans le développement de son produit. C’est là que le bât blesse de notre côté de l’Atlantique : il n’existe aucune distinction entre une entreprises débutante et une entreprise mature. Les deux sont soumises au même régime, les deux ont les mêmes contraintes, un peu comme si on demandait au bébé de gagner son pain et de payer son loyer, exactement comme ses parents. Un parallèle est frappant qui met en exergue le manque d’adaptabilité du système français face aux besoins et aux contraintes de jeunes entrepreneurs qui ne demandent qu’à grandir à un rythme naturel.

Alors, la startup française, un bébé handicapé dès la naissance ? Oui, si on écoute les fondateurs de startups nous décrire un quotidien fait de doutes, de freins, de solitude face à des problématiques qui les empêchent de grandir en paix. Tous voudraient embaucher, développer leur produit, innover pour demain, mais c’est aujourd’hui qui les tue à petit feu. Charges URSSAF malgré les maigres salaires, cotisations pour une retraite dont il ne bénéficieront sans doute pas, angoisse de ne pas tenir jusqu’au prochain paiement d’un client… Une gigantesque épée de Damoclès qui rappelle également qu’en cas d’échec ils repartiront une main devant, une main derrière…