Twitter, artisan de la rupture sociale

Que voilà un titre bien aguicheur pour un article consacré au réseau de micro-blogging qui voit son importance croître de plus belle. Premier réseau d’information pour beaucoup, Twitter résume la vie, l’actu et les dernières nouvelles en 140 caractères. 140 caractères qui renvoient plus généralement vers des articles construits, étoffés, fouillés, qui prennent le relais de la presse traditionnelle, la précèdent parfois, donnant la parole aux nouveaux journalistes et influenceurs made in web.

Twitter, donc, accessible depuis la plupart des smartphones, pour garder le lien avec les sujets qui nous intéressent. Oui, mais voilà : Twitter, parfois, ça donne ça :

Sam se réveille. Premier geste du matin : allumer son iPhone et ouvrir l’appli Twitter pour lire ce qui s’est passé durant la nuit avant même de poser un pied par terre. Sam suit des dizaines et des dizaines de comptes, en France et à l’international, histoire de ne pas louper une miette de ce qui l’intéresse. Autant dire qu’il va lui en falloir, du temps, pour survoler l’ensemble des tweets qui attirent son attention.

A ses côtés, Alex ouvre les yeux, tente un timide “bonjour” qui n’atteint visiblement pas sa cible. Sam a plongé la tête la première dans son fil d’actu et ne semble pas vouloir remonter à la surface.

Finalement, Alex se lève, se dirige vers la cuisine et prépare le petit déjeuner. Appelle Sam pour lui dire que c’est prêt. Toujours pas de réponse. Finalement, Sam lève les yeux : un tweet d’Alex lui annonce que le café va refroidir.

Potentiellement, nous sommes tous de Sam et Alex. Les réseaux ont envahi nos vies, l’écran remplace le journal et on se fait son actu perso en fonction de ses goûts et intérêts personnels. Autre mise en situation pas si exceptionnelle : les files d’attente. Au ciné, au supermarché, à Disneyland… Les uns et les autres ont les yeux rivés sur leur téléphone, à l’affût de l’actu qui pulse, du tweet à ne surtout pas laisser passer, de l’info à partager pour “en être”.

Twitter a cet effet : lier les twittos en les coupant du monde qui les entoure. En devenant plus social, on ne l’est plus du tout. Paradoxe des réseaux sociaux. Nous n’avons jamais été aussi connectés, nous ne nous sommes jamais si peu parlé.

Un scenario d’anticipation pourrait mettre en scène des êtres détachés les uns des autres, liés par des fils invisibles sans pour autant jamais entrer en contact les uns avec les autres. C’est un peu ce qui se passe aujourd’hui. Même les magazines féminins s’y mettent, avec des articles usant de témoignages sur le thème “comment Twitter a brisé mon couple”. Il y a bien évidemment les fails, les tweets incongrus ou malvenus, mais au-delà de ces erreurs de manipulation, il y a le constat forcé : tout être ultra-connecté s’éloigne de ses congénères.

C’est d’autant plus vrai dans les métiers liés au social media. Le community manager ne s’octroie jamais de vrai weekend, encore moins de vraies vacances, trop occupé qu’il est à ne rien vouloir laisser passer. Au final, il est peut-être plus au courant de la vie des twittos qu’il suit que de celle de ses amis réels.

Digital natives, oui, mais alors peut-être faudrait-il penser à voir au-delà des quelques pouces carrés qui nous connectent h/24. La rehab pour social media managers et autres accros à Twitter risque fort de ne plus être une utopie. Parce que partager implique aussi de faire ses propres expériences, dans un monde en trois dimensions, ne vaudrait-il pas mieux prendre un peu de distance pour mieux s’approprier la composante sociale des réseaux ?