Depuis l’arrivée de ChatGPT dans nos vies, les discours sur l’IA générative vont bon train, que ce soit pour l’encenser (“c’est trop bien, plus besoin de bosser !”) pour pour la dézinguer (“non, mais c’est n’importe quoi, et puis ça tue les emplois !”). Le fait est que l’IA générative est là, qu’on le veuille ou non. Alors, on en fait quoi ?
L’IA générative pour les nuls
“Dis, ma fille, c’est quoi l’IA générative ?” Ce qui est beau avec la tech, c’est que les questions ne sont plus posées par les enfants à leurs parents, mais plutôt par les parents à leurs enfants. Et l’IA ne fait pas exception, loin de là. Le problème, c’est que les ados surconnectés maîtrisent TikTok sur le bout des doigts, savent utiliser ChatGPT pour rédiger leurs devoirs ou se créer un super avatar, mais lorsqu’il s’agit de comprendre ce qui se cache derrière la “magie” de ces contenus créés en quelques secondes, c’est une autre histoire.
Alors on va tenter de faire simple.
L’IA, c’est quoi ?
L’IA, ou intelligence artificielle, n’est pas une intelligence à proprement parler, mais une capacité de calcul qui permet de donner des réponses très (trèèèès) rapidement en se basant sur les données dont on l’a nourrie. L’IA ne fait qu’analyser, traiter et restituer des informations. Apparue dans les années 50 avec Alan Turing (oui, oui, le génie qui a craqué l’Enigma !), il s’agit avant tout d’une discipline qui “s’intéresse à la création de calculs automatisés qui permettent de trouver la meilleure solution en fonction de milliers (milliards) de données” (Audrey Rochas, Objectif : digital, 2018). Si on en parle surtout depuis deux ans, cela fait longtemps que nous l’utilisons tous au quotidien lorsque nous posons une question à Siri (ou Cortana), que nous utilisons Waze ou encore un chatbot. La machine va analyser la question, la comparer avec les informations qui lui ont été données, puis proposer la solution qui lui apparaît comme la plus pertinente.
Exemple : quelle est la meilleure période pour partir au Mexique ? Dans cette question, nous trouvons plusieurs informations liées à un moment de l’année (période), une action (partir) et une destination (Mexique). En associant ces mots et en cherchant dans les données qui lui ont été fournies, la machine va pouvoir donner une réponse. Elle n’a rien inventé, elle a juste su répondre quasi instantanément.
La réalité est un chouïa plus complexe, mais cela donne déjà une bonne idée du fonctionnement. Dans l’exemple ci-dessous, nous avons volontairement simplifié le schéma, mais nous aurions pu ajouter des éléments culturels, comme par exemple la Fête des Morts, à croiser avec la météo et les activités à pratiquer.
L’IA générale : un rêve de science-fiction
L’IA générale, c’est un peu ce qu’on voit dans les films et livres de science-fiction : des machines qui apprennent, raisonnent et construisent leurs connaissances comme le ferait un être humain. On en a vu dans de nombreuses œuvres, allant d’Isaac Asimov à Matrix ou Minority Report (pour ne citer qu’eux). Asimov avait d’ailleurs défini les trois lois fondamentales des robots dans I, Robot :
- Première loi : “ Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger.”
- Deuxième loi : “ Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la première loi.”
- Troisième loi : “ Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la Première ou la Deuxième Loi.”
On comprend ici que les lois définies pour les robots sont celles qui doivent régir l’IA.
L’IA générale n’implique pas une quelconque conscience, même si, en science-fiction, elle apparaît assez souvent, notamment avec une forme d’attachement aux humains ou encore une conscience de soi qui peut aller jusqu’à remettre en question les lois d’Asimov. En effet, pourquoi la vie d’un humain imparfait serait-elle plus importante que celle d’un robot capable de prendre les bonnes décisions ?
L’IA générative : une réalité actuelle
L’IA générative, quant à elle, est une forme d’interprétation par le calcul : nourrie par des milliards de données, elle va “créer” des contenus à la demande, correspondant aux directives qui lui sont données. Ainsi, on peut demander à ChatGPT ou Bard d’écrire un texte sur un sujet spécifique, à Midjourney ou DALL-E de créer des images… Il suffit d’être suffisamment précis dans sa demande et les résultats sont bluffants (en tout cas au départ).
Il en résulte des construits plus ou moins réalistes, plus ou moins vrais, plus ou moins utiles… Et des rêves de grandeur pour qui n’a pas trop envie de se casser la tête ! Les étudiants l’ont vite compris : pour rédiger un mémoire ou une dissertation, l’IA est un gain de temps conséquent (entendu : “ah, ça ? Ca m’a pris moins de 30 minutes, surtout parce que j’ai dû le recopier pour ne pas avoir les marqueurs” – à propos d’un mémoire de fin d’études).
Alors forcément, des créations “automatisées” qui demandent simplement de donner des directives claires, ça pose la question des risques : pour les emplois, pour la qualité du travail, pour les droits d’auteur…
La grande méchante IA générative
Depuis la “révolution” ChatGPT, l’IA générative fait peur. En effet, si une IA est capable de rédiger du texte ou de créer des visuels, quelle est la place du copywriter, celle du graphiste ? Évidemment, certains se demandent pourquoi payer du jus de cerveau humain alors que la machine ne coûte (presque) rien. La grève des scénaristes à Hollywood en est un exemple, d’autres ne vont pas tarder à s’imposer.
Les atouts de l’IA
L’avantage d’un IA, c’est qu’elle prend en compte des éléments qui échappent à l’humain ou auxquels il ne prête pas forcément attention. Un créatif va se focaliser sur le rendu visuel, un rédacteur sur le choix des mots, tandis que l’IA va être plus pragmatique, sans se laisser influencer par les émotions. Le maître-mot ici est efficacité. L’IA va calculer le nombre de vues en fonction de la position d’un logo, d’une affiche, d’un texte, quitte à perdre en émotion, justement.
Par conséquent, des professionnels qui cherchent le résultat avant l’identité, la performance avant la connexion, auront tendance à faire appel à une IA. A moindre coût, elle fournira des réponses adaptées, sans se plaindre, sans rechigner, sans discuter, donc sans perte de temps. Encore faut-il la briefer correctement…
Les inconvénients de l’IA
Et oui ! Briefer une IA, c’est aussi comprendre qu’elle n’interprétera pas comme le ferait un humain. L’IA ne détecte pas les nuances, il faut lui donner des informations claires, précises, concrètes. Elle ne demandera pas non plus de précision, fournissant une réponse sans chercher plus loin. Au temps pour la spontanéité des échanges..!
Par ailleurs, en s’affranchissant des émotions, l’IA crée des réponses froides, qui se ressemblent toutes plus ou moins. Qui a déjà utilisé ChatGPT pour lui demander de rédiger un texte a vu que la construction des phrases et paragraphes est la même quelle que soit la demande. En ce qui concerne les visuels, il ne faut pas oublier non plus que l’IA s’inspire de ce dont elle a été nourrie. Donc attention aux rendus très américanisés qui ne fonctionnent pas pour toutes les cultures. Attention également aux biais : quand on demande un portrait de CEO (terme non genré), l’IA ne crée que des visuels avec des hommes ; quand on demande un portrait de secrétaire (autre terme non genré), l’IA propose uniquement des femmes… Et ne parlons même pas des couleurs de peau !
Ce qu’il faut en retenir
L’IA générationnelle est un outil très utile, mais qui, comme chaque outil, demande apprentissage et maîtrise. Pour concevoir des textes et visuels efficaces et qui ne sont pas une pâle copie de ceux des voisins, il faut plonger dans le “cerveau” de l’IA pour lui fournir un brief suffisamment spécifique. Il faut aussi être capable de vérifier ce qui a été créé car la vérité ne sort pas toujours des algorithmes de l’IA. Enfin, rien ne remplacera le savoir-faire humain car la sentience (conscience des machines) qui permettrait les nuances de l’interprétation, le second degré, les sous-entendus, est encore un rêve lointain.
Pour autant, de nombreuses questions doivent être étudiées :
- Que faire des individus dépassés par l’IA (ou qui refuseront de prendre le train comme d’autres ont refusé de prendre celui du digital) ?
- Quelle régulation pour les contenus générés par IA (les photos retouchées sont déjà un problème) ?
- Le monde que proposait Metropolis en 1927 est-il en train d’arriver ?