Amandine Pellissard : jusqu’où pousser le dévoilement sur les réseaux sociaux ?

Amandine Pellissard

Émissions tv, création de contenu, mise en avant de soi-même ou de sa famille (voire de son animal)… la notoriété se construit et se développe aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Mais jusqu’où faut-il aller pour entretenir son image et la faire fructifier ? L’exemple récent d’Amandine Pellissard pose des questions.

De mère de famille à star du porno

Elle s’est fait connaître dans l’émission Familles nombreuses, la vie en XXL. Amandine Pellissard, mère de huit enfants, est devenue une figure du programme. Aussi bien au sein des épisodes qu’en-dehors. Après l’avoir quitté sans discrétion et à renfort de menaces à l’encontre de TF1 qu’elle attaque au pénal pour travail dissimulé (ça semble un peu tiré par les cheveux, mais là n’est pas la question), elle se lance dans une reconversion pour le moins… inattendue.

Après avoir annoncé fin 2022 qu’elle ouvrait son compte sur MYM, une plateforme où les influenceurs peuvent publier des photos coquines qui ne sont accessibles qu’après abonnement, c’est vers Swame qu’elle se tourne en janvier 2023. Dans les deux cas, l’objectif est le même : proposer du contenu pour adultes et le monétiser, ce qui n’est pas possible sur Instagram ou TikTok. Les parents Pelissard se lancent donc dans du porno des familles et comptent bien en vivre.

Pourtant, Amandine Pelissard vivait déjà de partenariats tissés grâce à sa participation à l’émission de TF1. Mais, visiblement, le placement produit ne rapporte pas autant que le porno (ok, on le savait déjà), et l’appât du gain a eu raison des réticences de son mari.

 

La surenchère de la notoriété

Loin de nous l’idée de faire le récit complet des décisions d’une influenceuse, mais l’histoire d’Amandine Pellissard est symptomatique d’une tendance quelque peu inquiétante. Remontons aux origines : début des années 2000, les influenceurs sont une espèce rare qui se développe lentement au travers de publications construites avec soin sur leurs blogs. Puis, déclic des marques aux alentours de 2007 qui se rendent compte que ces nouveaux rédacteurs entretiennent des liens étroits avec une audience qui les suit et se nourrit de leurs conseils. Il n’en fallait pas plus…

L’essor des réseaux sociaux a complété cette transition vers des influenceurs “self-made” tablant sur leur contenu. Mais c’était sans compter sur l’essor de la télé-réalité : en se faisant remarquer dans une émission et en poursuivant par une présence sur Instagram, les nouveaux influenceurs pouvaient bénéficier d’une notoriété suffisamment importante pour attirer les annonceurs et… commencer à gagner leur vie avec des partenariats. 

Depuis quelques années, c’est la course aux abonnés, aux likes, et aux partages. Un influenceur vit de ses abonnés, auxquels il peut “conseiller” tel ou tel produit (malgré des scandales récents). L’audience est le plus souvent jeune, influençable (ça tombe bien) et se prête au jeu. Le business, lucratif, devient un marché compétitif où l’influenceur doit se faire remarquer pour garder ses contrats juteux et vivre sa vie de privilégié (300k€ par mois pour certaines influenceuses exilées à Dubaï). Il faut donc en donner plus, toujours plus…

Du grand public aux plateformes pour adultes, il n’y a qu’un pas

… qu’Amandine Pellissard a franchi sans hésiter. Et ici encore, ce n’est pas un cas isolé. Mais, quand les starlettes de télé-réalité ont tout misé sur leurs fesses et leurs seins pour se faire connaître (et donc n’étonnent personne en se dévoilant un chouïa plus sur des réseaux dédiés comme OnlyFans ou MYM), l’image de la mère de famille nombreuse (dont on imagine que les valeurs sont différentes) en prend un sacré coup. Et nous questionnent sur les limites à poser.

La gloire est-elle si séduisante qu’on peut se mettre à poil pour quelques dizaines ou centaines d’euros ? Car si les abonnements sont payants, un article rappelle que ce sont les abonnements peu chers qui permettent de faire sauter le pas à un public voyeur. 

Et ainsi démarre la carrière X d’Amandine Pellissat, dont les huit enfants seront probablement ravis que les parents de leurs copains aient vu les leurs en tenue d’Ève et d’Adam. 

Pourquoi on en parle

Loin de nous l’idée d’émettre un jugement : ce n’est pas le sujet de cet article,  que nous aborderons dans un autre. Mais, là où nous nous sentons plus concernés, c’est en tant que professionnels du digital. Depuis plusieurs années maintenant, les marques se reposent sur le marketing d’influence : un partenariat par-ci, un placement produit par-là, une publication sponsorisée, et le tour est joué !

Mais que se passe-t-il quand un influenceur décide de faire dans le contenu pour adultes ? Cela peut-il convenir à des marques familiales ? La reconversion d’une Amélie Pellissard est-elle compatible avec ses partenaires pré-Swame ? Le business model bien rôdé commence à s’effriter et il y a du rififi chez les marketeurs… 

D’un autre côté, à partir du moment où on peut vendre son contenu plutôt que l’offrir, n’est-il pas plus intéressant pour nos influenceurs de se mettre à nu (au sens propre) pour faire fructifier leur notoriété ? Pourquoi s’emm… s’enquiquiner avec des marques qui ont des exigences alors qu’on peut être son propre patron, sans aucune contrainte ?

Le fait est qu’en ce moment tout se réinvente, à commencer par notre rapport à l’intime. Une thèse soutenue en 2021 par Yann Levy adresse justement cette notion de dévoilement de soi. S’il est plus question de convictions personnelles et de rapport au groupe, ce que nous sommes prêts à mettre en scène aux yeux de tous (ou presque) rebat les cartes. Et le marketing va devoir faire avec..

Les réseaux sociaux sont un paradoxe moderne : alors qu’ils enjoignent à s’exposer toujours plus pour faire croître une audience dont on ne sait jamais si elle est vraiment réelle, ils mettent des limites à l’exhibitionnisme en censurant le moindre téton qui dépasse. Mais voilà : le sexe fait vendre, il l’a toujours fait ! Et les plateformes nouvelle génération l’ont bien compris : pour faire du fric, vendons des seins, des fesses et plus si affinité. Reste à savoir si les réseaux traditionnels vont se décoincer ou rester sur leurs positions au risque de voir leurs influenceurs-stars se faire la malle.